3, 2, 1, prêts ? C'est parti ! Voici le 3e opus du célèbre film d'animation « Madagascar », tout droit sorti des génialissimes studios DreamWorks Animation. Projeté en avant-première au dernier Festival de Cannes,
nul doute que si la Palme d'or... thographe avait existé, la joyeuse bande d'acolytes aurait été invitée à se replonger dans un bon vieux Bled, eu égard à la bévue orthographique qui s'est glissée sur l'une des affiches de la campagne de pub française.
Madagascar 3 : bévue orthographique sur l'affiche du film |
« Près d'arriver » ou « Pas prêts d'arriver », that is the question...
Le dilemme des homophones grammaticaux
Au commencement étaient deux homophones, « près » et « prêt », c'est-à-dire deux mots de même prononciation, mais dont la graphie et le sens sont différents.- « Près » est un adverbe qui marque la proximité. Il est invariable en genre et en nombre. Il est souvent employé dans certaines locutions telles que à peu près, tout près, de près.
- Il est à peu près sûr de son coup.
- Elle déjeune souvent dans ce petit resto car elle habite tout près.
- Je surveille Tom de près car il file un mauvais coton.
- « Prêt » (dans un de ses emplois) est un adjectif qui signifie « être préparé ». Il s'accorde en genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte.
- Il est systématiquement prêt le dernier.
- Ils sont fin prêts pour l'examen.
- Les épreuves de son roman seront prêtes en début de semaine prochaine.
- Elle est à peu *prête sûre de son coup. ► près
- Elle déjeune souvent dans ce petit resto car elle habite tout *prête. ► près
- Je surveille Lisa de *prête car elle file un mauvais coton. ► près
- Elle est systématiquement prête la dernière. ► prêt
- Elles sont fin prêtes pour l'examen. ► prêt
Quand l'homophonie flirte avec le solécisme
La grammaire s'emmêle quand « près » et « prêt » sont suivis d'une préposition, si j'en juge par la prouesse orthographique de l'affiche précitée et les près de (!!!) 480 000 constructions fautives recensées par Google.Quelques morceaux choisis :
- Les États-Unis ne sont pas *prêts de se désendetter. (challenges.fr)
- Les téléspectateurs ne sont pas *prêts de revoir le Dr Izzie Stevens dans Grey's Anatomy. (lyonne.fr)
- Happyland : vos enfants ne sont pas *prêts de l'oublier. (aufeminin.com)
- Chaque année, ils sont *prêts de 5 000 à disparaître. (ladepeche.fr)
- Aujourd’hui, ce sont *prêts de trois nouveaux jeux qui sont annoncés. (frandroid.com)
- Ces services sont une réalité pour bon nombre de collaborateurs qui ne sont pas *près à franchir le pas. (entreprise20.fr)
- Les deux portes-paroles ne sont pas *près à s’écouter, encore moins à débattre. (libertepolitique.com)
- L'adverbe « près », suivi de la préposition « de », forme ce que les grammairiens appellent une locution prépositive qui peut exprimer :
- une proximité dans le temps : Il était près de minuit quand un violent orage a éclaté.
- une proximité dans l'espace : Le JDM est un festival de musiques actuelles qui a lieu chaque année près de Nancy.
- une action sur le point d'être réalisée, une situation sur le point de changer : Avec l'énergie dont elle fait preuve, elle est près de réussir son pari.
- une quantité quasi atteinte : Près de 100 000 fans ont assisté à ce concert de PJ Harvey.
- Notez au passage que la locution « près de », suivie d'un verbe à l'infinitif (cf. 3 ci-dessus), est très fréquente en contexte négatif et signifie, dans ce cas, que l'action est loin d'être réalisée ou la situation, pas près (
- Ils ne sont pas près de décrocher la Palme d'or... thographe.
- Ses problèmes ne sont pas près d'être résolus.
- L'adjectif « prêt », suivi de la préposition « à », signifie « être préparé à » ou « être disposé à ».
- Les mises à jour sont prêtes à être installées sur votre ordinateur.
- Ils ne sont pas prêts à accepter un compromis.
Nous avons là un bel exemple de solécisme qui, dixit le Larousse, désigne « une construction qui n'est pas conforme aux règles de la syntaxe d'une langue à une époque donnée ou qui n'est pas acceptée dans une norme ou un usage qui est jugé correct. » Autrement dit, une faute qui viole les règles de syntaxe et porte sur la construction de la phrase. Celui-ci vient nourrir la longue liste de solécismes dont Thomas nous offre un florilège dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française, par exemple :
- *pallier aux difficultés ► pallier les difficultés
- *de manière à ce que ► de manière que
- *nous avions convenu de... ► nous étions convenus de...
- *un espèce de truc bizarre ► une espèce de truc bizarre
- *le vélo à ma tante ► le vélo de ma tante
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